A la rencontre du fleuve du dragon noir
Des vacances inoubliables agréables. Voilà le ton qu’aura cette description de mes premières vacances en Chine en cette année du lapin.
Les mois ont passé depuis notre extraordinaire rencontre de la Chine d’antan à Langzhong en 2009. La mémoire a cela de miraculeux qu’elle sélectionne pour notre harmonie intérieure (voilà que je pense comme une chinoise) les bons souvenirs et efface les désagréments, les maux du quotidien. Eh oui ! Comment oublier que voyager lors des vacances nationales (c'est-à-dire lorsque un milliard trois cents chinois sont tous en même temps en vacances) est une horreur. Le tourisme chinois est en soi une expérience peu agréable (multiplication des prix d’année en année, surpopulation et exploitation extrême des sites), mais lors de cette semaine cela s’avère être une gageure pour la patience. Néanmoins, je crois être dotée d’un caractère très endurant et la fatalité chinoise, le « c’est ainsi » m’atteint à mon tour, ce pour le plus grand bien de mes nerfs. Alors, commençons.
Avec Virginie, je décidai donc de partir pour Harbin, capitale du Heilongjiang (province de l’extrême nord, mais aussi fleuve frontalier entre la Chine et la Russie, nommé par ces derniers le fleuve Amour). Ha’erbin est riche d’un passé russe et juif. Les relations sino-russes se dégradèrent à l’arrivée du PCC au pouvoir (1949), il faudra attendre 2008 pour que soit trouvé un consensus quant au tracé des frontières entre les deux pays. Ce qu’il reste de ce passé chargé de culture russe, ce sont des bribes architecturales, des synagogues, des détails aux détours des routes industrialisées et une église orthodoxe en brique rouge qui trône sur la place comme l’attraction du siècle, le lieu des mariages et des baisers langoureux. Des boutiques de souvenirs russes émergent entre les magasins de marques, le chinois est systématiquement traduit en russe et comme vous êtes blancs, vous êtes nécessairement russes.
Danse du soir
Si tout le monde regarde en haut, la beauté se trouve peut être en bas
La fête nationale est « l’occasion de manger et de faire du shopping » pour reprendre la définition très juste d’une de mes étudiantes. Aussi avons-nous agi en chinoises, quelques clichés volés, d’autres plus appliqués et l’ennui s’est vite dévoilé. Pour l’anecdote peu intéressante, même à quelques centaines de kilomètres de la frontière russe, je n’ai pu me trouver des chaussures d’hiver (la pointure chez les femmes s’arrête à 39 en Chine), aussi dois-je m’attendre à battre le rythme de mes pieds cet hiver. Trois longs jours passés à Ha’erbin et je rêve de campagne, d’authenticité, loin de la foule, des yuans et des cris des vendeuses. A six heures de bus, se trouve Wudalianshi : région qui laissait rêveuse, parsemée de lacs et de volcans radicalement à la frontière russe. Le bus en Chine me rappelle mon plus beau voyage, celui du Grand Tibet, sur les hauteurs spirituelles d’une région désertique. Cependant, le paysage offert à mon regard assoiffé de beauté me laissa froide, à trop voir de beauté celle-ci se teint de fadeur. Durant une journée nous louons un taxi personnel pour 15 euros afin de faire le tour des sites à voir. Première satisfaction mon oreille comprend maintenant 10% de ce que me raconte le chauffeur…Nous négocions une chambre sans télé, sans air conditionné pour 20 euros !! Puis, le reste ne sera que florilège d’abus financier. Les sites sont tous payants, entre 5 et 10 euros l’entrée ! Et le spectacle à offrir est agréable mais non pas Beau dans le sens suprême, philosophique, où il enveloppe de l’idéal et s’adresse à la raison, au spirituel. Une forêt, une mer de roche laissée par la dernière éruption de laoheishan (littéralement la vieille montagne noire) et un site que je ne saurais décrire : 5 euros pour rien, le paysage derrière la maison de mes parents est plus beau). Car en Chine, la beauté (toute relative) d’un paysage se paye, souvenez-vous les rizières en terrasse dans le Yunnan étaient murées pour interdire la vue époustouflante aux personnes démunies.
Wudalian shi
Le point positif ? Une rencontre, notre chauffeur de taxi avec qui nous avons passé des moments hors rapport touriste-guide. Un rendez-vous manqué (celui de boire des bières le soir ensemble ; trop de fatigue), mais un rendez-vous du cœur. A cinq heures trente du matin, alors que nous étions en train d’attendre notre bus pour le retour vers Ha’erbin, il débarque, nous expliquant qu’il s’était levé pour nous amener à la gare. Une embrassade, une promesse de convention, boire des bières ensemble à Changchun, et me revoilà dans un bus pour neuf heures de périple jusqu’à Changchun. Ainsi s’achève mes vacances. De retour à la maison, je me plonge dans le chinois, décidemment cette langue rebutante m’attire. Ce week-end je travaille. Sept jours de vacances c’est un miracle, dix serait un abus, alors on nous fait travailler le samedi et dimanche. Ah, Chine ! Que je t’aime (moi non plus) !
Ah oui, à Harbin, je me suis également rendue au parc des tigres de Sibérie. Exploitation touristique affligeante (vous pouvez acheter des poules, oies, vaches vivantes pour les voir se faire dévorer sous les cris d'excitation des touristes...)