Philippines: dernière destination
Enfin, je clos mon périple de 8 semaines sur les Philippines. Un voyage surprenant. Loin de nos rêves, de nos fantasmes, de nos attentes, mais dix derniers jours inattendus.
Tout a mal commencé. L’avion qui devait partir de Tapai à 13H15 partait finalement à 1H 15 du matin. Erreur de débutantes, allez vous dire. Et vous avez raison ! Cependant, Jennifer (meilleure amie de Virginie, que les habitués ont pu voir, impressionnés, dévorer des dizaines de sushis ou des doigts de poule à Chongqing) nous rejoignait à 16H à manille, soit moins d’une heure après notre prétendue arrivée. Première imprévue de taille, un billet de dernière minute à acheter. Deuxième imprévu, elle a 4 heures de retard. Le voyage s’annonce plein de rebondissements ! C’est ainsi qu’après nos retrouvailles arrosées à la saint Miguel locale (5 degrés tout de même), c’est à 3 heures du matin que nous retrouvons Vincent, notre ami normand et Léah, sa compagne philippine, dans son petit village du nord du pays.
Le décor est posé. S’ensuivront des moments de joie intense et de merde incroyable ! Néanmoins, je voudrais m’arrêter sur cette attente dans la « gare routière » villageoise et ces premières heures passées dans ce village. Aux Philippines, les trains n’existent pas, seuls des bus ou charter font le transit de ville en ville. Au sein des villes, aucun bus n’existe, seules les Jeeps américaines, taguées de slogans catholiques remplacent les bus publiques. Aussi dans les campagnes, ce sont des tricycles, motorisés la majorité du temps, qui font office de bus : jusqu’à 9 personnes: une moto : 4 personnes, un side car : 3 personnes et un toit 2 personnes. C’est donc ce side-car qui nous arracha de la gare routière où nous buvions un café face à un peuple que nous découvrions gentil et séducteur.
Nous montons dans le side-car, le vent me fouette le visage, l’air est chaud mais moins humide qu’en Chine tropicale, la campagne en revanche est plus sauvage et surtout une chose toute bête me marque, la maigreur des vaches. Nous arrivons dans la famille de Léah, il est 5H, le grand-père s’en va aux champs, le reste de la famille dort, nous sommes dans cette cuisine ouverte : à voix basse, l’excitation d’un pays inconnu et de nos retrouvailles fait frémir les mélodies du vent. Je l’entends encore aujourd’hui, sifflant de jouissance au travers des fenestrelles de la cuisine.
Aux fourneaux à la recherche des coeurs de bananes...
C’est sur une tente matelassée par la paille de riz de que nous dormîmes durant cette semaine, entre papaye, goyave, bananier, cocotier et tant d’autres arbres inconnus ! Il y avait même des ananas sauvages ! La première journée aux Philippines fut incroyable, magique, aventuresque au possible, kolentesque oserai-je ! C’est avec une bouteille de vodka à 1 euro, des tongs et un bonheur inouï que nous entamâmes une randonnée qui, selon Vincent, se faisait en 3 heures aller-retour. C’est le temps exact qu’il nous a fallu pour atteindre le but ultime : une cascade perdue au milieu des montagnes.
Notre coin de paradis (la cascade était malheureusement inaccessible à l'appareil photo)
Ce fut des rivières à traverser à pied, l’eau jusqu’à la taille, le sac sur la tête, un village rencontré où les enfants se baignaient nus dans la rivière et apeurés par notre arrivée se faisaient passer pour noyés sous l’eau, des arbres complètement colorés et sortis d’Arakis, des flancs de rives que le courant nous obligeait à défier, esquintant alors leurs côtes abruptes et glissantes. Et puis il y eut le bruit de la cascade. Puis la cascade inaccessible. Puis (et je remercie mes années de natation) l’ascension à la chute d’eau, qui fut un moment incroyablement spirituel et emprunt de vie. Moi, sous cette eau brute et massante, dans ce décor de fantasme occidental, avec mes amis, mon amie, nous crions. Nous sommes jeunes, nous sommes fous ! Celui qui n’est pas fou n’est pas si sage qu’il le croit, disait la Rochefoucauld. Nous fûmes d’une sagesse assourdissante, entre razzia de vodka, brassée à contre courant, hurlement sous l’eau dure des pointes de la cascade et surtout il y eut le retour. A pied, par le même chemin, mais à la nuit tombante! C’est donc accompagnés de deux gosses du village croisés sur le chemin noircies et d’une torche de fortune faites de bambous ramassés que nous franchîmes à nouveau les innombrables rivières… Plus proche du village, nous pûmes enfin captés du réseau. C’est la jeep américaine de la famille de Léah qui fit les derniers sauts sur les caillasses tapissant les pieds des montagnes. Et puis ce fut un air de guitare qui agrippa nos oreilles et nos cœurs. Air chanté par Vincent sous les papayes d’un village qui serait plutôt un hameau où chaque maison appartient de, plus ou moins loin, à la même famille. Ainsi s’acheva notre première journée complète aux Philippines. Sans doute, pour Virginie, Jennifer et moi-même notre meilleur souvenir…
Récompense!
Il y eut également la fête du village, rendez-vous d’une grande famille intergénérationnelle où l’excitation du pari d’argent nous a gagnés (et nous a fait gagner !) Imaginez ! Une table avec au centre un creux arrondi d’où, d’un panier de baske,t une balle de ping pong doit s’arrêter sur une carte à jouer sur laquelle vous avez au préalable misé une certaine quantité de dollars philippins….
Folle nuit...
Deux soirs s’endorment : nous arrivâmes à une ville accrochée à ses montagnes où des nuages volcanesques s’abritent aux pieds d’innombrables maisons colorées. L’œil s’essuie d’un coton de nuage et il a plu.
Le soir, nous prîmes la direction de la plage, un side-car longe la côte, les tongs et les roues de la moto frôlent l’écume. Sous une hutte, les pieds dans le sable, toujours très loin des touristes, nous bûmes la red horse, toujours aussi forte. Et puis, nous sommes allés nous égosiller la voix grâce à un KTV extérieur. Les locaux amusés vinrent nous rejoindre, la vieille machine a indiqué un score de 98/100 et 96 sur 100 sur une impro avec nini….La machine était vieille, très vieille.
Le lendemain à 7heures du matin, toute la famille de Léah est arrivée pour fêter ses 30 ans. Nous avions loué une hutte familiale (avec une vieille télé Karaoké), des plats divers et bizarres, mais aussi une diversité d’alcool dont un bon blanc ramené de France par nini ! Et à 7h les festivités commencent interrompues par des sauts dans les vagues de la mer de Chine. Journée magnifique. Vers 14h la jeep familiale réunie la quinzaine de personnes que nous étions et en route pour la maison.
Ci-dessus les cousins du plus beau, celui que je ne vous ai pas encore présenté: le fils de Vincent et Léah, Augustin
Augustin et son papa (Vincent donc)
Les cousins
A 2H du matin, un bus nous amenait à Manille où toutes trois nous nous envolions pour les plages paradisiaques des Philippines. Vers 21h tout le monde se couche en attendant le bus de 2H. Soudain, une douleur me déchire le ventre et je me mets à vomir mes boyaux. Très vite, je sens des fourmis dans mon corps, puis dans mon crâne. Je réveille Virginie, je m’assois à une table et déjà mes mains, mes bras et mon visage sont tout paralysés. On fonce (en side-car…à la clinique familiale de la ville la plus proche). J’ai sacrément mal, mes mains sont si raides que j’ai la sensation que mes os vont exploser. On me fait une dizaine de piqure, vers 1H30 la paralysie s’estompe. « je peux le faire », j’ai déjà loupé un avion, je vais pas en faire louper trois autres (6 avec le retour…), je quitte l’hôpital, trois pas et je vomis. Impossible, ce serait de la folie. Nous reprenons le side-car pour rentrer chez Léah, mais j’agonise et je me retrouve de nouveau paralysée. Pour clore cette série de malchances, le side-car tombe en panne et il se met à pleuvoir. J’agonise sur le bord de la route, je me vide, les mecs galèrent à trouver de l’essence, les filles tentent de me réconforter. Je ne me souviens plus trop comment, mais me voilà de retour à l’hosto, vers 5h la fièvre et les piqures ont eu raison de moi. Je m’endors dans une chambre où des lézards grimpent sur les murs. Les filles sont avec moi, j’entends une machine à écrire taper mon rapport d’hospitalisation. Le matin, trempée par la fièvre, un constat : j’ai survécu et je n’ai plus mal. L’avion de Manille décolle dans deux heures. Le verdict : intoxication alimentaire suite à une tête de porc qui m’avait bien parue suspecte ou une huître pas bien fraîche, je ne sais trop.
No pictures
Nous décidâmes de partir à la rencontre d’un volcan. Bien sur, nous ne pûmes le voir.Nous sommes arrivées 2h après le départ de la dernière jeep pour le sommet. Harassées, dégoûtées, mais aussi un peu apeurées (quelle autre mésaventure nous attend ?), nous prîmes une décision raisonnable : Nous passerons les 3 derniers jours à Manille et pour se consoler, nous logerons dans un hôtel de luxe. Peu habituées au standing de ce genre d’hôtel, nous arrivons en side-car, les bagages sur le toit ! Imaginez la scène ! Un touctouc devant un hôtel de luxe. Bien sur, on fait renifler les chiens sur nos sacs de roots et on nous regarde avec des yeux ronds d’indignation et de surprise. Manille est sans aucun doute la ville la moins respirable qu’il existe. Les jeeps américaines (bus publiques) rejettent leur fumée noire dans un tonnerre assourdissant de bruit. Chaque pas est un effort et pourtant j’ai vécu à CQ, ville surpeuplée, surpolluée et dépassant les 40 degrés fréquemment ! Pourtant Manille est bien pire…. Nous devions voir un show de ladyboy, ça commençait à 17H, nous sommes arrivées à 2Ih….Sans compter qu’aux Philippines, l’arnaque est quotidien et vraiment exténuant. Le bilan : 8 avions loupés (non remboursés), 24h dans un hôpital, une journée d’aventures extraordinaire, en somme la découverte des Philippines hors sentiers battus… Alors, nous n’avons rien vu de ce que nous avions prévu, mais ce voyage restera comme un voyage spécial et le temps qui a passé me fait dire que ce fut incroyablement surprenant et drôle. Excepté l’arnaque récurrente, franchement écœurante, ce voyage me permet de dire que je n’ai pas d’autre choix, aux vues de toutes ces beautés effleurées, que d’y retourner !