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xiaokou in chongqing, changchun, Suzhou...
12 octobre 2014

De retour en terres tibétaines (Amdo, Gansu et la route de la soie)

 

 

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Cinq ans après, mes semelles se sont échinées contre les roches arides du Gansu et de l’Amdo, contrée orientale du Tibet historique. Le Tibet, avant 65, s’imposait géographiquement avec trois provinces supplémentaires ; l’U-Tsang, le Kham et l’Amdo. Les deux dernières régions où j’ai eu la chance de me rendre, il y a 5 ans et la semaine dernière donc, sont un véritable voyage au sein de la culture tibétaine, tragiquement, sans doute bien plus que le Tibet officiel aujourd’hui.

Voici la carte de ce qu'on appelle communément aujourd'hui le Grand Tibet, le Tibet Historique où comme le site sur lequel j'ai trouvé cette carte, le Tibet occupé:

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Dans ces provinces tibétaines, les Hans sont minoritaires, le dalaï-lama partout ; dans les restaurants, les monastères, les chambres des moines (il faut savoir qu’une effigie du dalaï-lama dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Tibet est passible d’une peine de prison). Aucune suspicion (du moins apparente, les 19 morts de 2008 prouvent que cette tension n’est qu’enterrée provisoirement), néanmoins dans ces régions tibétaines éloignées de Lhassa il n’y a ni casinos, ni KFC, ni policiers Han armés de leurs extincteurs sur le dos… Les tibétains sont chez eux peut-être plus qu’à Lhassa aujourd’hui, d’ailleurs on vous reprendra en tibétain si vous parlez mandarin…On est très loin de la sinisation du toit du monde !

 

 

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 Monastère de Labrang, XiaHe (Gelugpa / bonnets jaunes)

 

 

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Arrivée à Lanzhou, la première sensation fut le choc éprouvé à l’idée d’avoir en partie oublié la Chine que j’ai connue, celle que j’ai aimée il y a deux ans maintenant. Pour rappeler brièvement, je vis dans la région la plus riche (PIB par habitant), développée et peuplée de Chine et dans une de ses villes les plus touristiques- Suzhou. Souvent, je me suis fait cette réflexion : combien de millionnaires habitent ma ville ? Pas un jour sans voir une, deux, trois porches faisant la course sur les nouvelles 4 voies construites par Singapour et pas un jour sans que je ne m’énerve contre les énormes 4X4 qui bloquent la circulation dans les venelles étriquées du centre ville historique de la ville.

En Chine, c’est un lieu commun de le dire, les inégalités sont insupportables, au sein même de ma ville, où j’achète pour 0.02 centimes d’euros mon petit déjeuner, mon voisin conduit une Mercedes et mes étudiants payent 8000 euros leur inscription universitaire annuelle, mais à l’échelle nationale, les inégalités abîment le regard. En effet, j’avais oublié que la Chine était un chantier permanent (chemin de fer, autoroute, ponts, aéroports, toutes les infrastructures y étaient en chantier), j’avais oublié qu’une ville écartée de plus de 300 km de la côte Est, est une ville où, ruines et immeubles recouverts d’une bâche verte lacérée de pub immobilière cohabitent, j’avais oublié que les trottoirs n’existent pas , j’avais oublié le boucan des deux roues qui ne sont électriques qu’à Pékin, Shanghai, Suzhou, Nanjing et Canton, j’avais oublié les boucheries entourées de terres et de ciment perdues dans l’obscurité d’une loupiotte pendue, j’avais également oublié l’immense gentillesse des Chinois peu habitués à voir des occidentaux. Et pourtant, cela a été mon quotidien durant deux années, Suzhou m’a fait oublier les codes de politesse chinois ; offrir une cigarette quand on engage une conversation, poser les questions identitaires et filiales, supporter le bruit, les odeurs, la crasse avec indifférence et bonhomie. Et surtout, en étant témoin ces dernières années du miracle chinois, je me rends compte à quel point il ne concerne qu’une infime partie de la population, les gens rencontrés ne parlaient pas même putonghua (mandarin), la Chine a deux vitesses finira-t-elle par se scinder en deux Chine, la révolution des parapluies actuellement à HK n’est-elle pas un présage de ce qui pourrait advenir dans une Chine qui ne se reconnait plus ?

 

 Visiter ma région ou le reste de la Chine équivaut quelque part à voyager entre Singapour et les Philippines. Arrivée en auberge de jeunesse à Lanzhou, je me suis embarquée pour 6 heures de bus à destination de XiaHe, sur les traces d’Alexandra David-Néel, qui y a logea de longs mois.  Aujourd’hui cette ville est double, une première partie est chinoise. Ce sont de longues bâtisses verticales qui vous accueillent, puis se côtoient les restaurants et le gris cémenteux. Cette partie de la ville, peut-être la plus étendue, n’a pas vingt ans, et puis la ville se rapetisse, les couleurs chatoyantes agrippent le regard, la terre battue, brute orangée sous l’effet du soleil, vient encercler les édifices religieux, l’immense monastère de Labrang (Gelugpa) et ses chortens (les stupas tibétains). Parmi la population locale une foultitude de pèlerins venue prier, la main droite gantée à force de tourner les milliers de moulins à prières entourant le monastère. 

 

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Des centaines de pélerins égrainent leur chapelet de l'aube eu crépuscule

 

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Logées dans un petit hôtel tibétain, c’est hésitantes que nous poursuivons notre route vers une contrée encore plus reculée, et totalement méconnue du tourisme chinois ; TongRen. Je m’attendais à arriver dans un village où yack et poules vivent en harmonie avec le « mamappeperon », d’ailleurs à chacune de nos haltes nous nous disions : nous y sommes, au sein même du poumon tibétain préservé de l’asphyxie touristique et  du regard rustre de certains riches touristes. Finalement, ce sont d’immenses tours HLM grises et si habituelles à notre regard qui nous indiquèrent la fin d’une balade de six heures en bus. Déception.

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 Sur la route : yourte, yacks et drapeaux tibétains

 

 

Dégrisement éphémère.  En effet, TongRen est  renommée pour ses moines artistes qui exécutent des commandes de Thangka (peintures religieuses tibétaines sur toile) jusqu’à Lhassa, nous y avons flâné dans son monastère datant des Yuans (fin 12eme siècle), la spiritualité y transpire à chaque pas. Surtout, personne, seulement, nous et les locaux. Cette réflexion pourrait paraitre un peu arrogante : nous, occidentales, sommes les seules à avoir le droit de découvrir un art de vivre ancestral préservé de tous les ravages du tourisme. Cependant, pour bien prendre la mesure de ce que je dis, il faut, je crois, connaitre ce qu’est le tourisme de masse chinois en période nationale… Indicible. Effrayant, angoissant, attristant, choquant, donc oui, quel surprenant bonheur ce village déserté par tous les touristes !

Pour preuve la muraille de Chine lors de ces vacances nationales :  

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 Nous y avons égrené nos pas, entre monastères et villages endoloris par leurs siècles de quiétude, nous nous déplacions à pied, en stop où à chaque fois c’étaient les 4X4 intérieur cuir des moines qui nous ramassaient… Et puis il y avait la ville, où musulmans et tibétains vivaient en harmonie, les hommes coiffés de chapeau trainaient leurs histoires sur les marches, les femmes tenaient les boutiques et leurs gosses indomptés, les Tibétains priaient, tenaient les échoppes de produit laitier et entretenaient les monastères. Le vieux centre, présentement inscrit avec fierté sur les cartes de la ville, avait été rasé/reconstruit quelques mois auparavant, aussi seuls l’odeur de la sciure et l’éclat du bois neuf sans âme parvenaient à nos narines. Et les yacks.

 

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Tongren

 

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Tongren désert...

 

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Seule y résident une centaine de moines

 

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 Dans la ville de Tongren

 

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Lors de nos marches aux alentours

 

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Le monastère de Longwu

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La ville de Xining (plus rien à voir avec les descriptions d'Alexandra David-Néel...)

 

 

Six heures de bus au-delà de 3500 mètres d’altitude nous menèrent à Zhangye, ville de Marco Polo où il y résida un an durant. Je considère ce trajet comme l’un de mes plus beaux moments de voyage à travers l’Asie. Une extase émotionnelle, une jouissance oculaire, une beauté à se détourner du simple joli, parmi les plus beaux paysages que la Terre ait à nous offrir.  Ces six heures ont duré six minutes. Véritablement, la condensation du temps face à l’extase contemplative prend tout son sens.

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Sur la route entre TongRen et ZhangYe

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 A Zhangye nous quittions l’Amdo et ses terres tibétaines reculées pour entrer dans la Chine exposée au tourisme. Les « galères » commencèrent. Pas moyen de se loger à prix raisonnable (pour vous donner une idée les chambres tournaient autour de 60 euros la nuit ! Tarif parisien ! Nous avons finalement trouvé à moitié prix, mais ce après plus d’une heure de prospection au travers de cette ville aujourd’hui devenue cémenteuse). Le mot voyage s’effiloche alors au contact du tourisme chinois où l’exutoire d’une vie harassante se traduit par le divertissement à outrance,  qu’importe la sacralité des lieux.  Néanmoins, nous eûmes un grand moment de rire avec deux gosses de la ville qui n’avaient pas froid aux yeux, et étaient fascinés par ces premiers blancs qu’ils rencontraient de leur vie.

 

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Et les magnifiques montagnes colorées de danxia

 

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Il y avait du monde....

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des chameaux...

 

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Et beaucoup de beauté!

 

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Et puis, bien que très touristique, il y a eu le monastère de Mati si, construit sous les Yuans également. La dynastie Yuan (1279-1368) est une dynastie Mongol, son fondateur n’est autre que le petit-fils de Gengis khan, c’est eux qui instaurèrent la capitale chinoise à Pékin (Khanbalik) ! L’avantage du tourisme de masse, c’est qu’en général il suffit de s’écarter de quelques centaines de mètres des boutiques et du lieu phare pour se retrouver absolument seul ! Nous avons donc fait une petite randonnée de deux heures sur les flancs des montagnes entourant le monastère construit dans la roche, nous n’avons rencontré personne ! Nous savions que le monastère pouvait se visiter de l’intérieur, curieuses nous prenons notre mal en patience et faisons la queue pendant une heure…Quelle mauvaise idée, nous pensions que si l’attente était si longue c’est parce que les autorités de patrimoines faisaient entrer avec parcimonie les touristes à l’intérieur de ce monastère à flanc de roche, que nenni ! Vous voyez la photo de la grande muraille ? Et bien c’était la même chose à l’intérieur, sauf que nous avions le dos courbé, les marches se grimpaient à quatre pattes et les couloirs ne permettaient pas à 2 personnes de passer ! J’étais paniquée, comment profiter d’un monastère dans ces conditions ?? Choquée, peinée pour ces pauvres Chinois qui ne connaissent que ça des voyages, j’ai fait demi-tour au bout de 10minutes, une fois sortie, je me suis refait pour la énième fois cette promesse, jamais voyager sur un site touristique en Chine lors des vacances nationales ! Mis à part ce moment de panique claustrophobique et la peur incontrôlée sur les routes de montagnes (parce que oui c’est grandiose, mais ils conduisent comme des fous, doublant en virage, la main scotchée sur le klaxon….), ce voyage fut une invitation à la spiritualité et une première entrée sur les terres mythiques des anachorètes tibétains.

 

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Commentaires
V
Merci ma chérie pour ce merveilleux moment. Tes photos sont toujours aussi magnifiques et vivantes, et tes écrits nous enrichissent tellement. Que du bonheur.
F
Ccou ma belle! <br /> <br /> Tes photos sont toujours aussi belles! Et la montagne colorée, je trouve ça tellement fascinant! Finalement cela ressemble un peu a la montagne aux 7 couleurs en Argentine, qu'est ce que tu en penses?<br /> <br /> C'est super ce récit de ton voyage! On découvre toujours un peu plus la culture chinoise<br /> <br /> Merci de nous faire partager ces moments!!<br /> <br /> Je vous embrasse toutes les 2! A très vite<br /> <br /> Bisous
A
Et bien ce serait avec plaisir, tu es le bienvenue à Suzhou!! <br /> <br /> Tu sais un billet A/R Shanghai/Tokyo (pris à l'avance) coûte actuellement 50 euros...
F
Salut Alizee,<br /> <br /> <br /> <br /> magnifiques photos et superbes commentaires...Dis donc tu me donnerais presque envie de dévier de ma destination asiatique favorite !!!!<br /> <br /> <br /> <br /> A bientôt
O
tes photos et ton récit sont une invitation aux voyages et aux rêves ! toujours autant de talents ! gros bisous
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